Jurisprudence en matière de recevabilité du rapport d’enquête

 

La jurisprudence est particulièrement volumineuse depuis l’arrêt dit “Torino” du 07 novembre 1962, rendu par la Cour de cassation, 2eme chambre civile.

Dans cet arrêt de principe, la décision a été rendue en se fondant sur les seules dépositions d’un détective privé.

Depuis, si les rapports d’enquête n’ont pas “force probante” devant les Tribunaux , ils n’en sont pas moins couramment acceptés par les Magistrats dès lors qu’ils sont détaillés, circonstanciés, précis, qu’ils ne sont empreints d’aucune animosité à l’égard d’une ou des parties, et qu’ils obéissent aux règles de légitimité et de loyauté de la preuve.

Il convient, au demeurant, de rappeler qu’en matière pénale les procès verbaux et rapports de police constatant les délits (sauf dans les cas où la loi en dispose autrement), n’ont valeur que de simples renseignements (art. 430 CPP).

Vous trouvez ci-dessous quelques arrêts en matière de recevabilité du rapport d’enquête établi par un détective.

 

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 12 octobre 1977

“Le rapport de surveillance privée est admis et ne peut-être rejeté au seul motif que le détective est payé”

 

Cour d’appel de Caen, 4 avril 2002, 01/01952

« Les éléments recueillis par les constatations effectuées par un détective privé sont admissibles en justice, selon les mêmes modalités et sous les seules mêmes réserves pour tout autre mode de preuve »

 

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 07 mai 2002, N°01-01338

“Les causes de divorce au sens de l’article 242 du Code Civil peuvent être prouvées notamment par le rapport d’un détective privé”

 

Cour de Cassation, 1ère chambre civile, 18 mai 2005, N° 04-13745

La Cour de cassation a validé le rapport d’enquête d’un détective privé dans le cadre d’une procédure de divorce pour faute. Elle a confirmé la régularité du rapport d’enquête. Les investigations réalisées sur une courte période n’ont pas porté atteinte à la vie privée.

 

Cour d’Appel de Versailles, 2ème chambre, 21 novembre 2006, N°01-05631

Les constatations faites par un détective privé, dans l’espace public, ne sont pas disproportionnées par rapport à l’établissement d’un manquement par une partie.

 

Cour d’appel de Douai , 02 février 2012

Les juges approuvent la régularité d’un rapport d’un détective privé relatant une relation extra-conjugale, dans le cadre d’un divorce.

 

Cour d’appel de Lyon, 19 mars 2012

L’arrêt prend en compte un rapport détective qui révèle une relation extra-conjugale dans le cadre d’un divorce. Il confirme que le détective était parfaitement habilité l’enquête.

 

Cour de cassation, 2e chambre civile,  14 juin 2012

Les juges prennent en compte le rapport d’un enquêteur établissant une fraude à l’assurance et condamne l’assuré à rembourser les sommes avancées.

 

Cour de cassation, 1ere chambre civile,  31 octobre 2012

La filature d’un assuré a été reconnue légale.

Dans le cadre d’une éventuelle fraude, la Cour a reconnu le droit à un assureur de mener une enquête sur un assuré  par le biais de filatures et d’enregistrements vidéos dans des lieux publics, le tout corroboré par un huissier de Justice.

La Cour retient que le rapport d’enquête est admis comme élément de preuve aux débats. Il n’y a pas d’immixtion disproportionnée dans la vie privée de l’assuré au regard de l’intérêt de la collectivité des assurés. La Cour est donc revenue sur le diagnostic initial du médecin conseil.

 

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 15 janvier 2014, N°12-24882

La cour de cassation s’est prononcée favorablement sur la validité du rapport d’enquête privée.

Les juges n’ont pas écarté ce rapport et il a été démontré qu’il ne contrevenait pas aux dispositions de l’article 259 du Code Civil.

 

Cour d’appel de Paris, Pôle 4, chambre 4, 08 décembre 2015

La cour retient que le rapport d’enquête, que nous avons établi, est admissible “comme mode de preuve, comme tout autre mode de preuve”, qu’il comporte des éléments précis et détaillés et que nos déclarations sont précises et circonstanciées ; que la preuve du contraire ne peut être apportée par les simples dénégations de Madame X, qui a admis à notre enquêteur sous-louer une chambre de son appartement. De plus, les propos rapportés par notre agence, sont en adéquation avec les constatations opérées par l’huissier de justice (art 145 du CPC) et ne sont ainsi contrecarrés par aucun élément probant.

 

Jurisprudence sur les éléments de preuve recueillis par un détective, en matière économique et sociale

Si le contentieux du divorce semble le terrain privilégié de ce mode de preuve, de nombreux arrêts attestent du recours à ce procédé dans le contentieux économique et social.

La licéité de la preuve est appréciée non seulement sur le fondement de l’article 9 du code civil, mais encore sur celui de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le juge opérant alors un contrôle de nécessité et de proportionnalité de l’atteinte portée.

 

 

Concurrence déloyale ou illicite

 

CA Orléans, 25 octobre 2007. – RG no 05/00145 :

Dans un contentieux de concurrence déloyale, est disproportionnée par rapport à la défense des intérêts en cause l’atteinte au respect de la vie privée constituée par la production de comptes-rendus de filatures réalisées à l’insu de la personne et faisant état de ses activités personnelles.

 

CA Chambéry, 20 mai 2008. – RG no 07/02162 :

Dans un contentieux de concurrence déloyale, les investigations menées par un détective privé qui ne concernent que les aspects de la vie professionnelle de la personne surveillée sont accueillies au nom de la liberté de la preuve de la violation d’une clause de non-concurrence.

 

 

Licéité de la preuve

 

Cour de Cassation, chambre sociale du 6 décembre 2007, N°06-43392 :

Il a été retenu la licéité d’un constat d’huissier effectué dans certaines conditions (« dans des conditions régulières à la demande de l’employeur des constatations purement matérielles dans un lieu ouvert au public et à procéder à une audition à seule fin d’éclairer ses constatations matérielles »), alors même que ce dernier avait été initié, par une filature de détectives privés, à la demande de l’employeur.

 

Cour de Cassation, chambre sociale du 5 novembre 2014, N° 13-18.427 :

Ainsi, la preuve des manquements professionnels d’un salarié, contrôleur de bus, peut valablement reposer sur le rapport d’enquête établi par des cadres de l’entreprise missionnés par l’employeur pour observer les conditions de travail des contrôleurs. Peu importe que ces derniers n’aient pas été préalablement informés de cette surveillance, à condition qu’il soit réalisé pendant le temps de travail et au lieu de travail.

 

 

Contrat de travail, rupture

 

 CA Orléans, 4 novembre 2008. – RG no 08/01589. / CA Versailles, 2 octobre 2008. – RG no 07/03708. / CA Aix-en-Provence, 6 décembre 2007.-

Une filature organisée par l’employeur pour contrôler et surveiller l’activité d’un salarié constitue un moyen de preuve illicite dès lors qu’elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d’être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l’employeur.

A rapprocher : Soc., 23 novembre 2005, Bull. 2005, V, no 333 (cassation) ; – Soc., 18 mars 2008, Bull. 2008, V, no 64 (cassation), et l’arrêt cité.

 

CA Colmar, 14 avril 2009 – RG no 08/01993 :

Dans le cadre d’un licenciement, ne porte pas atteinte à la vie privée du salarié le rapport d’un détective qui ne peut être assimilé à une filature et ne constitue qu’une simple collecte de renseignements n’ayant pas servi à motiver le licenciement.

A rapprocher : Soc., 4 février 1998, Bull. 1998, V, no 64 (cassation), et le premier arrêt cité.

 

 

Jurisprudence en matière de divorce, de la liberté de la preuve au contrôle de nécessité et de proportionnalité au regard des intérêts antinomiques en présence

Les règles de preuve en matière de divorce sont encadrées par les articles 259 à 259-3 du code civil.

« Tout mode de preuve » est admis, sous réserve des éléments de preuve obtenus par « violence ou fraude » et des « constats dressés à la demande d’un époux (…) s’il y a eu violation du domicile ou atteinte illicite à l’intimité de la vie privée ».

L’objet de la preuve en matière de divorce parait justifier l’emploi de moyens d’investigation qui, dans d’autres contentieux, pourraient être qualifiés d’attentatoires à la vie privée.

Ainsi, dans les arrêts cités en matière de divorce, les juridictions du fond, contraintes par la nature d’un contentieux par essence lié à la vie privée et tenues par des règles d’admission de la preuve assez larges, n’ont pas retenu d’atteinte à la vie privée.

 

CA Versailles, 5 juin 2007. – RG no 05/08465.

Dans le cadre d’un divorce, le recours à un détective privé qui n’empiète pas sur la vie privée de la personne surveillée et se limite à des constatations objectives sur des faits se déroulant dans un lieu public est admis au nom du principe de liberté de la preuve.

 

CA Paris, 6 septembre 2007. – RG no 03/34138. / CA Versailles, 30 septembre 2008. – RG no 07/07605. / CA Douai, 28 février 2008. – RG no 06/05620. / CA Rennes, 9 juin 2008. – RG no 07/03161. / CA Toulouse, 31 janvier 2006. – RG no 05/01973.

Dans le cadre d’un divorce, les constatations faites dans l’espace public par un détective privé ne constituent ni une violation du domicile de la personne surveillée ou de celle avec laquelle elle entretient des relations, ni une violation de leur intimité.

 

CA Versailles, 3 octobre 2006 – RG no 04/07808.

Dans le cadre d’un divorce, dont les griefs invoqués touchent nécessairement à la vie privée, le rapport d’un détective privé rédigé dans des conditions régulières qui permettent la contestation est assimilé à une attestation émanant d’une personne au service d’une partie, et les constatations de l’enquêteur sur l’attitude intime du couple non corroborées par des photographies ne décrédibilisent pas ce rapport.

 

CA Amiens, 22 novembre 2006 – RG no 05/05178. / CA Versailles, 21 novembre 2006 – RG no 05/05631.

Dans le cadre d’un divorce, les constatations faites dans l’espace public par un détective privé ne constituent pas une atteinte à l’intimité de la vie privée et ne sont pas disproportionnées par rapport à l’établissement d’une violation de ses obligations conjugales par l’époux.

A rapprocher : 2e Civ., 3 juin 2004, Bull. 2004, II, no 73 (cassation), et l’arrêt cité.

 

Sur le contrôle de nécessité et de proportionnalité sur le fondement de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à rapprocher de : CEDH, 12 février 2007, X… c/ France, requête no 7508/02 ;  1re Civ., 16 octobre 2008, Bull. 2008, I, no 230.